• Maître Aurélie VINCENT, avocat au Barreau de Nice, a prêté serment en 2004.
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Dommage corporel et indemnisation de la tierce personne

Définition de la notion de tierce personne, relativement à un dommage corporel

Un dommage corporel entraîne dans la plupart des cas une diminution de l’autonomie de la victime. Que cette diminution soit temporaire ou permanente, elle occasionne de nombreux frais, parmi lesquels des frais relatifs à la tierce personne.

On considère la « tierce personne » comme celle qui apporte de l’ aide à la victime incapable d’accomplir seule certains actes essentiels de la vie courante. Le Ministère des Affaires Sociales a dessiné les contours de cette définition dans une circulaire du 5 juin 1993, retenant que la tierce personne relève des actes essentiels de la vie courante, tels que l’autonomie locomotive (se déplacer, se laver, se coucher), l’alimentation (boire et manger) et l’assouvissement à ses besoins naturels.

Monsieur Dinthillac a envisagé une approche plus extensive de la tierce personne dans son rapport en date du 8 juillet 2005, justifiant également cette tierce personne pour restaurer la dignité de la victime et suppléer sa perte d’autonomie. Cette approche extensive est aujourd’hui reprise unanimement par la jurisprudence (CA Amiens, 2ème, 16 novembre 2021, n°19/06731).

Rôle de la tierce personne dans l’accompagnement de la victime

A ce titre, la jurisprudence rappelle régulièrement qu’une indemnisation doit être admise au regard des besoins de la victime et non en fonction de la dépense justifiée, ce afin de favoriser l’entraide familiale (Cass. Civ. 2ème, 2 février 2017, n°16-12.217). En ce sens, la Cour de Cassation et le Conseil d’État considèrent que l’indemnité allouée ne peut être réduite en cas d’assistance bénévole par un proche de la victime (Cass Civ. 2ème, 17 décembre 2020 n°19-15.969 ; CE, 5ème-6ème Ch, 27 mai 2021, n°433863).

La tierce personne intervient ainsi dans un cadre indépendant de l’implication bénévole des proches de la victime dans son quotidien, quand cette aide et cette assistance procurées par les proches excèdent la piété familiale (CA Basse-Terre, 6 mai 2019, n°18/00007).

La nature de l’assistance préconisée diffère selon l’aide nécessaire. Se distingue ainsi une « tierce personne active » qui joue un rôle actif d’auxiliaire de vie, d’une « assistance passive » qui assure une surveillance auprès de la victime.

La victime dispose ainsi, au stade du référé expertise, d’une option entre les ordres de juridictions lorsque le litige est susceptible de relever de chacun d’eux.

La qualification de la tierce personne est par ailleurs systématiquement requise et précisée comme « spécialisée » ou « non spécialisée ». Dans le cas particulier des personnes aveugles, les chiens dressés dans un cadre associatif peuvent incarner un rôle de tierce personne.

L’ampleur et la durée de l’accompagnement par une tierce personne sont estimées selon les situations propres à chaque victime. Cet accompagnement peut ainsi être nécessaire seulement quelques heures par semaine, ou relever dans certains cas d’une assistance permanente.

Organisation de l’assistance au titre de la tierce personne

En application du Code du Travail, une tierce personne a la possibilité de travailler 35 heures par semaine et bénéficie de congés payés. Pour assurer la continuité de l’assistance au titre de la tierce personne, il est donc parfois nécessaire de faire appel jusqu’à trois personnes à plein temps, outre les remplacements pour samedis et dimanches, jours fériés et congés.

En outre, eu égard aux conséquences du dommage corporel et à l’état de la victime, il est parfois nécessaire que plusieurs proches lui apportent leur assistance. Ainsi, dans le cas d’une assistance simultanée d’un enfant par ses deux parents au cours d’une période définie, il convient de tenir compte de la présence de deux tierces personnes dans le calcul de l’indemnisation (CA Nancy, 1ère, 20 janvier 2020).

Modalités des aides et salaires des aidants qui accompagnent la victime

La diversité des fonctions et compétences dont certaines peuvent supposer une formation professionnelle ou des diplômes, induit des taux horaires adaptés à chaque dispositif, en tenant compte de la nécessité d’un salaire suffisant pour que la personne employée assure ses fonctions dans la durée, créant de fait un lien de confiance et de proximité indispensable à l ’accompagnement quotidien de la victime.

Si le montant de l’indemnisation accordée pour le poste de tierce personne permet le financement d’un besoin déterminé, il n’a pas vocation à produire un enrichissement de la victime. L’indemnisation accordée doit ainsi tenir compte du coût de la prise en charge de la tierce personne dans les conditions de vie réelles de la victime (CA Aix-en-Provence, 10/09/2015, n°2015/369).

Dans le cas d’une victime française résidant à l’étranger, le salaire de la tierce personne est calculé sur la base du salaire du pays de résidence (CAA Paris, 21 mars 2016, n°15PA01581).

Ces dernières années, le développement du secteur de l’ aide à la personne a permis aux victimes de disposer de choix entre plusieurs solutions de prise de charge, impliquant des coûts et gestions variables. Il est aujourd’hui notamment possible de faire appel à des mandataires ou prestataires par le biais de contrats.

Si les victimes sont en droit de formuler des demandes concernant la somme allouée au poste de tierce personne et la modalité selon laquelle elle leur sera distraite, c’est au juge que revient la décision de fixer le montant de l’indemnisation, sa forme, ainsi que sa durée.

A titre d’exemple, la jurisprudence a pu retenir pour « une aide non spécialisée à caractère familial » et en regard de besoin de la victime, une indemnisation basée sur un taux horaire de 18 euros (CA Amiens, 2ème, 16 novembre 2021).

Le juge peut prononcer l’attribution d’une rente ou d’un capital. La rente est souvent préconisée dans le cas de victimes mineures ou grands infirmes car elle a vocation à assurer l’assistance de la victime dans le temps.

En cas d’amélioration de l’état de la victime, il est impossible de demander une révision de l’indemnité, en revanche, dans le cas contraire, les victimes ont la possibilité de formuler une demande de réparation de l’aggravation d’un dommage auprès du juge.

En effet, en vertu des articles 1240 du Code civil et L.211-19 du Code des assurances qui consacrent le principe de réparation intégrale, une nouvelle indemnisation peut être accordée au titre de l’aggravation du dommage après consolidation, lorsque cette aggravation entraîne de nouveaux préjudices à la victime (Cass, 2ème Civ. 10 mars 2022, n°20-16.331).

Le Cabinet de Maître Aurélie VINCENT, avocat à Nice spécialisé en droit du dommage corporel, se tient à votre disposition afin de répondre à toute interrogation en la matière.

Article publié le jeudi 7 avril 2022