La responsabilité médicale est un terrain propice au partage de responsabilité en raison du nombre d’intervenants dans le parcours de soins.
Le dommage peut résulter de la conjugaison de fautes commises par différentes personnes : professionnels libéraux, établissements de santé publics ou privés...
Pour éviter toute confusion et vaine action en justice, il faut toujours déterminer le ou les responsables : Est-ce l’établissement de soins dans le cadre de sa mission d’organisation des soins ou pour les actes réalisés par son personnel soignant salarié ? Est-ce le médecin qui exerce de manière libérale dans cet établissement, voire les deux ?
Il convient ensuite de déterminer l’ordre de juridiction compétent étant donné que chacun des ordres rend la justice selon une répartition des compétences « public / privé » clarifiée au besoin par le Tribunal des conflits : La compétence relève-t-elle de l’ordre administratif dont dépendent les établissements de santé publics ou de l’ordre judiciaire dont dépendent les médecins libéraux et les établissements de santé privés ?
Il se peut d’ailleurs que les co-responsables supposés dépendent chacun d’un ordre de juridiction différent : Au stade de la procédure de référé expertise, quel juge convient-il de saisir ?
Dans une affaire (Tribunal des Conflits, 07/07/2014, C3951, Publié au recueil Lebon), le Tribunal des Conflits a jugé que « Considérant que lorsqu'une demande ne tend qu'à voir ordonner une mesure d'instruction et que le litige est susceptible de relever, fût-ce pour partie, de l'ordre de juridiction devant lequel cette demande a été présentée, le juge des référés se trouve valablement saisi de celle-ci ».
La victime dispose ainsi, au stade du référé expertise, d’une option entre les ordres de juridictions lorsque le litige est susceptible de relever de chacun d’eux.
Par la suite, lorsque l’expertise a mis en exergue des fautes distinctes commises par un établissement de santé public et par un médecin exerçant à titre libéral ou un établissement de santé privé, la question de la juridiction compétente se pose à nouveau : La victime doit-elle agir contre chaque responsable pour recouvrer une partie de son indemnisation et donc saisir au besoin le juge judiciaire et le juge administratif ou peut-elle saisir un seul juge à cet effet ?
1) La position de la jurisprudence administrative
La Cour Administrative d’Appel de Bordeaux a eu l’occasion de se positionner sur cette question dans un arrêt du 3 mai 2011 n°10BX00583, dans laquelle une erreur de diagnostic a été commise par un Hôpital Public puis reconduite par une Clinique Privée.
Dans cette affaire, la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux a jugé que la victime pouvait demander la réparation de son entier dommage à la personne de droit public responsable à hauteur de 50%.
Cette juridiction a jugé que l’erreur de diagnostic constituait « une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier départemental Félix Guyon à l'égard de Mme X pour son entier préjudice, le centre hospitalier pouvant, s'il s'y croit fondé, engager une action récursoire contre la clinique co-auteur du dommage ».
Ainsi, lorsque le dommage résulte de fautes commises par un Hôpital Public et une Clinique privée, la victime peut agir devant les juridictions administratives pour obtenir la réparation de son entier dommage, à charge pour la personne de droit public d’engager une action récursoire contre la clinique co-auteur du dommage.
2) Une position protectrice de la victime partagée par la jurisprudence judiciaire
Dans un jugement du 26 mars 2019, le Tribunal de Grande Instance de GRASSE n°2019/357, a adopté une position similaire à celle de la jurisprudence administrative en facilitant le recouvrement par la victime de l’indemnisation de ses préjudices.
En l’espèce, la patiente avait souhaité réaliser une opération de chirurgie esthétique et plus précisément une liposuccion du ventre.
Malheureusement, celle-ci a été victime d’une péritonite à la suite d’une maladresse gestuelle.
L’expert médical a précisé que le chirurgien avait commis une faute dans le geste opératoire engageant sa responsabilité à hauteur de 70%.
S’agissant de la responsabilité du centre hospitalier ayant pris en charge la patiente dans les suites de sa péritonite, l’expert judicaire a également retenu une faute en raison d’une mauvaise prise en charge ayant entraîné des complications de nature à engager sa responsabilité hauteur de 30%.
Au regard de ces conclusions expertales, le Tribunal de Grande Instance de GRASSE a jugé que : « En présence d’un dommage imputable à plusieurs personnes intervenant de façon indépendante, la victime peut rechercher la réparation de son préjudice en demandant condamnation de l’une de ces personnes ou de celles-ci conjointement, sans préjudice des actions récursoires que les coauteurs pourraient former entre eux. Dès lors, Madame X et Madame V sont bien fondées à solliciter la condamnation de Monsieur G à la réparation de leur entier préjudice, à charge pour lui d’engager une action récursoire contre l’établissement hospitalier dont la part de responsabilité a été retenue par l’expert ».
Il s’agit là d’une solution salvatrice pour la victime qui, déjà sérieusement éprouvée à la suite de ces erreurs médicales, se trouve bien souvent confrontée à la durée, parfois excessive, et à la technicité du parcours indemnitaire.
Article publié le vendredi 2 octobre 2020