• Maître Aurélie VINCENT, avocat au Barreau de Nice, a prêté serment en 2004.
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Les infections nosocomiales : obtenir réparation d'un préjudice

En juin 2012, l’InVS, Institut de Veille Sanitaire français, publiait ses résultats suite à son enquête nationale de prévalence des infections nosocomiales et des traitements anti-infectieux en établissement de santé.

Ledit rapport concluait qu’en 2012, en France, 5,3% des patients hospitalisés contractaient une infection nosocomiale.

Malgré des résultats stables, les pouvoirs publics se sont aujourd’hui véritablement emparés de la question, afin de lutter durablement contre ces infections constituant une problématique majeure de santé publique.

Les pouvoirs publics ont donc décidé de mettre en œuvre une véritable politique de lutte contre ces infections, passant notamment par une amélioration des conditions d’hygiène des établissements de soins en France.

A titre d’exemple, a récemment été mis en place un dispositif d’alerte, s’appuyant sur les agences régionales de santé, afin que la survenue éventuelle de toute infection associée aux soins ou inhabituelle puisse immédiatement être déclarée (Article R1413 du Code de la Santé Publique).

1) Définition de la notion d’infection nosocomiale

Une infection est dite nosocomiale lorsqu’elle est acquise au sein d’un établissement de santé.

Afin d’être ainsi caractérisée, l’infection ne doit pas avoir d’existence antérieure à l’admission hospitalière.

L’article R.6111-6 du Code de la Santé Publique définit les infections nosocomiales comme des « infections associées aux soins contractées dans un établissement de santé (…) »

L’infection nosocomiale peut être exogène, c'est-à-dire être causée par des microbes extérieurs au patient, ou endogène, c'est-à-dire causée par des microbes internes au patient.

2) Un régime juridique renouvelé

Le régime juridique des infections nosocomiales a lui aussi largement évolué et a notamment connu un véritable renouveau avec les lois du 4 mars 2002 et du 30 décembre 2002.

L’article L.1142-1 du Code de la Santé Publique a été modifié et prévoit désormais que « les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère (…) ».

Il s’agit donc d’une responsabilité sans faute.

Cela signifie qu’en cas d’infection à caractère nosocomial, la responsabilité de l’établissement sera engagée de plein droit sauf à prouver une cause étrangère à cette infection, ce qui est particulièrement complexe en pratique.

Avant les interventions du législateur en 2002, le régime des infections nosocomiales était un régime jurisprudentiel qui distinguait selon que l’infection était contractée au sein d’un établissement public (hôpital) ou au sein d’un établissement privé (clinique privée/libéral).

La compétence juridictionnelle en cas d’infection nosocomiale n’était donc pas la même selon le lieu dans lequel l’infection était contractée, aboutissant ainsi à créer des solutions juridiques différentes entre les juridictions judiciaire et administrative.

Le législateur est donc intervenu dans un but premier de clarification mais surtout de simplification pour les victimes de ces infections.

Le régime juridique des infections nosocomiales a alors été unifié tant devant le juge judiciaire que devant le juge administratif.

Aujourd’hui, pour l’ensemble des établissements de santé, en matière d’infection nosocomiale la responsabilité est de plein droit, c'est-à-dire qu’elle peut être engagée sans qu’aucune faute n’ait à être prouvée.

Seule subtilité, les infections contractées au sein d’un cabinet médical libéral relèvent désormais du régime classique de la responsabilité pour faute, instaurée par la Loi du 4 mars 2002 au sein de l’article L1142-1 du Code de la Santé Publique.

3) Les conditions d’application du régime des infections nosocomiales

Etant donné que la responsabilité en matière d’infection nosocomiale est une responsabilité de plein droit, il existe finalement peu de conditions à remplir afin que la responsabilité de l’établissement de soins soit reconnue.

En réalité, il faudra simplement prouver le caractère nosocomial de l’infection. Cela signifie donc que l’infection doit être rattachée à un séjour hospitalier et ne doit donc pas avoir d’existence antérieure.

La charge de la preuve quant au caractère nosocomial de l’infection incombe au patient ou à ses ayants droits (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 30 octobre 2008, pourvoi n°07-13.791).

C’est au cours d’une expertise, après étude attentive du dossier médical par l’expert, que cette preuve pourra être établie.

Il conviendra enfin de préciser que la distinction entre le caractère endogène ou exogène de l’infection nosocomiale n’a aucune incidence quant à la responsabilité de l’établissement de soins (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 4 avril 2006 ; CE 10 octobre 2011).

Une fois la preuve rapportée du caractère nosocomial de l’infection, le patient pourra obtenir indemnisation des préjudices subis du fait de l’infection nosocomiale.

Toutefois, une importante distinction est à opérer quant au débiteur de cette indemnisation :

- Lorsque l’infection nosocomiale a provoqué une incapacité permanente inférieure ou égale à 25%, c’est l’établissement de soins au sein duquel l’infection à caractère nosocomial a été contractée qui indemnisera le patient en vertu du principe de responsabilité sans faute posé par l’article L1142-1 du Code de la Santé Publique.

- Lorsque l’infection nosocomiale a provoqué une incapacité permanente supérieure à 25% ou un décès, c’est l’ONIAM (Office Nationale d’Indemnisation des Accidents Médicaux) qui indemnisera le patient en vertu du principe de solidarité.

Pour que la solidarité nationale soit mise en œuvre, il faut également que l’infection soit « directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins » et que ces actes aient eu des conséquences anormales sur le patient, eu égard notamment à son état de santé et à l’évolution prévisible de celui-ci (Article L.1142-1 du Code de la Santé Publique).

Face à la difficulté pour les établissements de soins de s’exonérer de leur responsabilité, le législateur a en effet souhaité alléger leurs charges en limitant leur responsabilité sans faute aux infections nosocomiales les plus « légères ». Pour les infections nosocomiales plus lourdes, c’est la solidarité nationale qui s’applique.

4) Les conditions d’exonération de la responsabilité de l’établissement de soins

Avec la Loi du 4 mars 2002, afin d’être déchargé de sa responsabilité en matière d’infection nosocomiale, l’établissement de soins doit prouver l’existence d’une cause étrangère.

La notion de cause étrangère a en pratique été définie au regard des caractéristiques de la force majeure.

Cela signifie que l’établissement de soins doit prouver qu’il existe une cause étrangère à l’infection nosocomiale, ayant un caractère imprévisible, irrésistible et extérieur.

En pratique, cette notion de cause étrangère est extrêmement difficile à prouver étant donné le critère d’extériorité qui est par nature impossible à caractériser pour une infection nosocomiale.

Dès lors, le caractère extérieur n’est quasiment jamais retenu par les juridictions civiles.

Les juridictions administratives, pour leur part, sont plus souples sur le sujet, prenant en considération un faisceau d’indices afin de reconnaître la cause étrangère.

A titre d’exemple, la cause étrangère a été retenue dans le cas où une blessure avait été, préalablement à l’hospitalisation, souillée par de la terre (CAA Nantes, 8 décembre 2011, pourvoi n°11NT00445) ou encore dans le cas où la preuve de mesures d’hygiène et d’asepsie suffisantes avait été rapportée pour le cas d’un patient particulièrement vulnérable à des complications infectieuses (CAA Lyon, 29 juin 2010, pourvoi n°08LY00653).

Maître Aurélie VINCENT, avocat Nice